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Justice et procédure pénale

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La justice pénale se fonde sur le code pénal et le code de procédure pénal. Les juridictions pénales ou répressives jugent les individus poursuivis pour avoir commis des infractions

Si une infraction (prévue par le code pénal) est commise, la Société a la faculté de poursuivre son auteur en vertu du principe de l’opportunité des poursuites qui fonde l’action du Ministère Public (Le Parquet, le Procureur ou le substitut du procureur).

L’auteur d’une infraction peut être une personne physique ou morale.

Le droit pénal distingue trois catégories d’infractions selon leur gravité et la peine applicable.

  Les contraventions réparties en 5 classes selon la gravité et la sanction sont les infractions les moins graves punissables d’une amende pouvant aller jusqu’à 1500 € (3000 en récidive), parfois assorties de peines complémentaires
  Les délits sont passibles de peines correctionnelles : amende emprisonnement pouvant aller jusqu’à 10 ans ou peine alternatives à l’emprisonnement. En droit du travail elle est de 5 ans maxi (en matière de travail illégal par exemple)
  Les crimes inexistants en droit du travail sont les infractions les plus graves

La contravention est jugée par le juge de proximité ou le tribunal de police
Le délit est jugé par le tribunal correctionnel
Le crime est jugé par la cour d’assises
Le délit est en droit du travail régi par un texte de loi L
La contravention en droit du travail est régi par un règlement (décret) en R

Exemple : tous les manquements à la sécurité et à la santé sont des délits punis par l’article L4741-1
Tout ce qui concerne la durée du travail est sanctionné par des contraventions (article en R)

Il n’existe pas de juridictions spécialisées dans la répression des infractions aux règles d’hygiène et de sécurité. Aucune infraction en la matière n’étant qualifiée de crime, le ou les auteurs d’une infraction en ce domaine ne sont pas justiciables de la cour d’assises.

Trois phases dans la procédure pénale

1) La poursuite des infractions est confiée au Parquet ; il est chargé de traduire une personne devant la justice pénale s’il estime opportun en raison des charges qui pèsent contre elle et en fonction des éléments de preuve

2) L’instruction (ou information judiciaire) obligatoire en matière criminelle, est rare en droit du travail (accident du travail grave, complexe, travail illégal…) : juge d’instruction et chambre d’accusation pour rechercher les personnes en cause, les poursuivre éventuellement et les renvoyer devant le tribunal ; il fiat intervenir
L’intervention du juge d’instruction
Le juge d’instruction doit être saisi soit par le procureur de la République (au moyen d’un réquisitoire introductif d’instance), soit par la victime de l’infraction (au moyen d’une plainte avec constitution de partie civile). Autrement dit, le juge d’instruction ne peut pas s’autosaisir et décider, de lui-même, d’enquêter sur telle ou telle infraction.
Il s’agit là d’une conséquence du principe de séparation des fonctions, traditionnel en procédure pénale, qui joue également en matière d’hygiène et sécurité. Aussi, lorsqu’un juge d’instruction, saisi par le parquet pour enquêter sur un accident du travail, découvre à cette occasion l’existence d’autres infractions (en l’espèce, délit de marchandage), il doit alors le porter à la connaissance du ministère public. Et si ce dernier souhaite que ces infractions fassent l’objet d’une poursuite pénale, il pourra en saisir le juge d’instruction par le biais d’un réquisitoire supplétif.
Méconnaît ces principes le juge d’instruction qui, de lui-même, procède à des actes d’instruction concernant les infractions nouvellement découvertes. La sanction est alors la nullité de ces actes (Cass. crim., 24 nov. 1998, no 98-83.247 : Bull. crim. , no 315).
La mission du juge d’instruction est de réunir et d’examiner les preuves de l’infraction. Pour cela, il prend toutes mesures vis-à-vis de la (ou des) personnes qu’il soupçonne d’avoir commis ladite infraction. Ces personnes sont dites « mises en examen », et ont, dès leur mise en examen, le droit de se faire assister d’un avocat et de prendre connaissance de leur dossier par son intermédiaire. Notons cependant que la loi no 2000-516 du 15 juin 2000 (renforçant la présomption d’innocence) tend à restreindre le nombre des mises en examen. Pour cela, elle prévoit un recours plus fréquent au statut de témoin assisté. Ce statut - intermédiaire entre celui de simple témoin et de mis en examen - a l’avantage de permettre à la personne de se défendre efficacement (le témoin assisté a droit à un avocat) tout en n’apparaissant pas comme déjà coupable aux yeux du public.
Aux termes de son instruction, le juge peut, par voie d’« ordonnance » :
 soit prendre une décision de non-lieu : il met fin aux poursuites et ne donne pas suite à la plainte ;
 soit placer l’inculpé en « détention provisoire » : il le fait emprisonner dans l’attente de son jugement ; à compter de l’entrée en vigueur de la loi no 2000-516 du 15 juin 2000, ce n’est plus le juge d’instruction qui pourra décider le placement en détention provisoire mais un nouveau juge, créé par ce texte, le juge des libertés et de la détention ;
 soit renvoyer l’affaire devant le tribunal, s’il pense avoir rassemblé suffisamment de preuves. C’est au tribunal qu’il appartiendra de prononcer une mesure de condamnation ou de relaxe.
On notera que toutes ces « ordonnances » peuvent être contestées devant la « chambre de l’instruction » (qui est une formation de la cour d’appel).

3) Le jugement est confié au tribunal de police, le tribunal correctionnel ou la cour d’assises selon l’infraction commise qui se prononce sur la culpabilité ou non du poursuivi

Trois degrés de juridiction

1er degré
Tribunal de police : le juge de proximité pour juger des contraventions des 4 premières classes
Pour les contraventions de 5è classe, le tribunal de police est constitué par un magistrat professionnel en présence du procureur ou de son substitut. Pour les 4 premières classes, c’est le commissaire de police qui remplace le procureur sauf si le procureur souhaite être présent
Le juge de proximité statue en premier et dernier ressort pour les contraventions des 4 premières classes ; La seule voie de recours et la cour de cassation
Pour ce qui concerne les condamnations à plus de 150€ d’amende et suspension de permis de conduire, appel possible

Le tribunal correctionnel est compétent pour les délits (délit d’entrave, hygiène et sécurité…)
Si une peine d’emprisonnement n’est pas encourue, le magistrat siège seul. Le ministère public est représenté par le procureur ou le substitut.

Les jugements du tribunal correctionnel peuvent faire l’objet d’un recours devant la cour d’appel

2ème degré : la cour d’appel
Recours dans les 10 jours.
La cour examine à nouveau l’affaire en fait et en droit : 3 magistrats pour juger. Sauf pour les jugements de police
Le ministère public est représenté par le procureur général, d’un avocat général ou un substitut général
Recours dans les 5 jours à la chambre criminelle de la cour de cassation.

3è degré chambre criminelle de la cour de cassation.
La cour de cassation est divisée en plusieurs chambres (chambre criminelle pour le pénal)
La cour de cassation est juge du droit (et non pas des faits)
5 cas de cassation :
 violation de la loi
 défaut de base légal
 incompétence de la juridiction
 inobservation des formes
 excès de pouvoir

L’organisation de la justice pénale

Les fonctionnaires et auxiliaires de justice
1) Les greffiers assistent les magistrats dans la préparation des dossiers et la gestion de son cabinet. Ils dirigent les services administratifs du siège et du parquet
Ils garantissent l’authenticité des décisions (rédaction de la minute) ; ils enregistrent les demandes et assistent le juge dans le traitement de la procédure pour rassembler tous les éléments ; ils conservent les jugements et divers actes

2 )l’huissier de justice est qualifié pour porter à la connaissance des personnes concernées les actes et décisions de manière officielle ; l’huissier audiencier veille au bon déroulement de l’audience en appelant les parties, en accompagnant les témoins, en prévenant les avocats…

Schéma simplifié de l’organisation de la Justice

La responsabilité pénale des chefs d’entreprise nécessite un rappel des règles relatives à la constatation et à la poursuite des infractions (section I.)
Il y a lieu ensuite de décrire les règles qui président à la poursuite du ou des responsables (section II.)
Enfin, il s’agit de déterminer comment est appréciée par les tribunaux la culpabilité du ou des auteurs de l’infraction section III

Section I
Constatation et poursuite des infractions
Les règles de procédure, applicables sont celles du droit commun, à quelques exceptions près.

Par qui les infractions sont-elles constatées ?
Le droit pénal donne, aux officiers de police, compétence pour constater les infractions pénales ; mais la spécificité du droit du travail a étendu cette autorité aux inspecteurs du travail et à certains agents chargés du contrôle de la législation du travail.
a)- Les officiers de police judiciaire : leur compétence générale est confirmée par les articles L. 8112.1 et suivants du code du travail.

Article L8112-1
- Les inspecteurs du travail sont chargés de veiller à l’application des dispositions du code du travail et des autres dispositions légales relatives au régime du travail, ainsi qu’aux stipulations des conventions et accords collectifs de travail répondant aux conditions fixées au livre II de la deuxième partie.
Ils sont également chargés, concurremment avec les officiers et agents de police judiciaire, de constater les infractions à ces dispositions et stipulations.

Article L8112-2
- Les inspecteurs du travail constatent également :
1° Les infractions commises en matière de discriminations prévues au 3º et au 6º de l’article 225-2 du code pénal, ainsi que les infractions relatives aux conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité des personnes, prévues par les articles 225-13 à 225-15-1 du même code ;
2° Les infractions aux mesures de prévention édictées par les caisses régionales d’assurance maladie et étendues sur le fondement de l’Article L422-1 du code de la sécurité sociale ainsi que les infractions aux dispositions relatives à la déclaration des accidents du travail et à la délivrance d’une feuille d’accident, prévues aux articles L. 441-2 et L. 441-5 du même code ;
3° Les infractions aux dispositions relatives à l’interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif, prévues à l’Article L3511-7 du code de la santé publique ;
4° Les infractions relatives aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, prévues par les articles L. 622-1 et L. 622-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
5° Les infractions aux dispositions de la section 4 du chapitre V du titre premier du livre premier du code de la consommation, relatives à la certification des services et produits autres qu’alimentaires, ainsi qu’au livre II de ce même code, relatives à la conformité et la sécurité des produits et des services ;
6° Les infractions aux dispositions des articles L. 123-10 à L. 123-11-1 du code de commerce, relatives à la domiciliation des personnes immatriculées au registre du commerce et des sociétés.
Article L8112-3
- Lorsque des dispositions légales le prévoient, les attributions des inspecteurs du travail peuvent être exercées par des fonctionnaires de contrôle assimilés.

Des circulaires ministérielles l’ont rappelé (ex. : circulaire du 2 mai 1977 du garde des Sceaux).
Ont la qualité d’officiers de police judiciaire :
  les officiers et gradés de la gendarmerie nationale ;
  les commissaires de police ;
  les contrôleurs généraux de la police ;
  les inspecteurs divisionnaires et principaux de la police ;
  les maires et leurs adjoints.
Les agents de police ne peuvent, quant à eux, qu’établir un rapport hiérarchique.

Sauf ordre spécial du procureur général, ou flagrant délit, ou mandat du juge d’instruction, les officiers de police judiciaire, à l’encontre des inspecteurs du travail , ne peuvent pénétrer dans l’entreprise, ni saisir des pièces ou documents sans l’accord exprès du chef d’entreprise.
b) Les inspecteurs du travail : Peuvent rentrer de jour comme de nuit dans tioute entreprise sans prévenir l’employuer.
c) Les contrôleurs du travail : placés sous l’autorité des inspecteurs du travail, ils en ont la compétence et les prérogatives

Comment les infractions sont-elles constatées ?
Les infractions sont, en droit pénal général, constatées
soit avant la saisine de la juridiction pénale (procès-verbal),
soit lors de cette procédure (instruction et parfois même à l’audience), et les constatations du procès-verbal, comme tous les moyens de preuve, doivent être versées aux débats afin que les parties en aient connaissance et puissent les discuter. Il y aurait, en effet, violation des droits de la défense si les juges fondaient leur décision sur des éléments dont ils auraient eu connaissance en dehors de l’audience.

D’autre part, pour qu’elles puissent servir de base à une poursuite pénale, il est nécessaire que les constatations qui ont été faites aient un caractère certain et suffisant.

S’agissant de la constatation des infractions, on peut noter qu’une instruction du ministère de l’emploi et de la solidarité du 28 mars 2002 fournit un certain nombre de règles relatives à l’établissement et des procès-verbaux. Ils doivent contenir :
  les informations nécessaires à la mise en oeuvre de poursuites pénales.
  L’infraction constatée doit y être caractérisée dans tous ses éléments : légal, matériel et intentionnel.
  Ce texte évoque également la question de la transmission des procès-verbaux aux autorités judiciaires. Elle doit être suffisamment rapide pour éviter la prescription de l’action publique et montrer la volonté de l’inspection du travail de lutter contre la délinquance.
  Pour renforcer l’efficacité de la répression, il est également préconisé une meilleure concertation entre les parquets et les directeurs départementaux du travail (par exemple des rencontres périodiques) (¨ Instr. technique DAGEMO no 2002/03, 28 mars 2002)( Note d’orientation no 2002/04, 28 mars 2002).

Section II
Les poursuites
Le plus souvent, c’est le ministère public « le Parquet » ou la victime d’une infraction, ou bien encore les deux, qui déclenchent les poursuites judiciaires à l’encontre de l’auteur de l’infraction, et/ou des personnes qu’ils estiment être responsables de l’infraction. Il s’agit de la mise en mouvement de « l’action publique ». Deux voies sont ouvertes.

Les poursuites par le ministère public (ou « parquet »)
L’expression « ministère public » ou « parquet » recouvre l’ensemble des magistrats, qui sont chargés de faire appliquer la loi, au nom de la Société. Il s’agit essentiellement, dans le domaine qui nous intéresse, du procureur de la République ou de son substitut.
Le procureur de la République est informé directement de l’infraction :
  soit à la suite d’une plainte, pour laquelle aucun formalisme n’est requis (simple lettre, v. modèle en annexe 1, ou d’une dénonciation ;
  soit par la rumeur publique ;
  soit par la transmission, par le directeur départemental du travail, du procès-verbal établi par lui-même ou l’inspecteur du travail ou par les autorités assimilées ;
  soit à la suite d’une enquête préalable.
En fonction des données reçues, le procureur de la République a le pouvoir d’apprécier si oui ou non les poursuites judiciaires doivent être engagées (C. pr. pén., art. 40).
Cette décision est prise en fonction des conditions juridiques requises, de son utilité vis-à-vis de l’ordre et de l’intérêt public. Le procureur :
  soit classera sans suite le dossier ;
  soit saisira le juge répressif (tribunal de police ou tribunal correctionnel).

En ce cas, une alternative s’offre alors au procureur de la République :
  si l’infraction est évidente, et quasiment incontestable (responsabilité certaine et déterminée), il citera directement le responsable devant le tribunal de police ou devant le tribunal correctionnel. Cette procédure est généralement utilisée puisque, par sa rapidité, elle permet une répression plus immédiate ;
  si en revanche, les preuves ne sont pas suffisamment étayées et la responsabilité du présumé coupable n’est pas certaine, le procureur de la République adressera le dossier au président du tribunal de grande instance qui désignera un juge d’instruction ayant pour mission essentielle de rechercher les preuves et de déterminer la ou les responsabilités éventuelles.

La partie civile
La victime ou d’autres personnes (ayant droits, syndicats associations…), peut mettre en mouvement l’action publique :
  soit par la « citation directe » devant le tribunal (assignation par acte d’huissier de justice, après qu’une date d’audience ait été fixée par le greffe du tribunal : voir modèle en annexe 2) ;
  soit en adressant au doyen des juges d’instruction une « plainte avec constitution de partie civile ».

Dans les deux hypothèses, une somme d’argent (appelée « consignation ») doit être déposée pour faire face aux frais judiciaires ; cette somme est restituée à la fin du procès si l’adversaire est condamné.
L’usage de la « citation directe » nécessite la détention de preuves suffisantes sur l’infraction, qui ne justifient pas que l’on procède à une instruction de l’affaire.
L’usage de la « plainte avec constitution de partie civile » rend obligatoire l’ouverture d’une procédure d’instruction.
Elle se distingue en cela de la simple déclaration dénommée « main courante » qui se fait verbalement à un commissariat de police ou à une gendarmerie, devant un officier de police judiciaire qui dresse un procès-verbal de cette déclaration et la fait contresigner par son auteur. En pareil cas, les autorités de police, puis de justice, n’engageront des poursuites que si elles jugent fondés les faits incriminés ; elles ne sont pas tenues de poursuivre l’auteur de l’infraction (il en est de même, rappelons-le, de la plainte adressée directement par écrit au procureur de la République.)

Qu’est-ce qu’une partie civile ?
En droit pénal, il s’agit de la personne, physique ou morale, qui exerce une action judiciaire dans la mesure où elle considère qu’elle a personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction (C. pr. pén., art. 2).
Cette définition générale a subi, en droit du travail et de la Sécurité sociale, quelques extrapolations ! En effet, elle se heurtait d’une part à l’article L. 451-1 du code de la sécurité sociale, et, d’autre part, à l’appréciation de la notion de « préjudice personnel et direct ».
L’article L. 451-1 du code de la sécurité sociale interdit, à la victime d’un accident du travail ou à ses ayants droit, d’exercer contre l’employeur une action en réparation de droit commun, sauf en cas de faute intentionnelle de l’employeur ou de l’un de ses préposés (CSS, art. L. 452-5), sauf en cas de faute inexcusable de l’employeur (CSS, art. L. 452-1) et sauf en cas de faute d’un tiers autre que l’employeur de la victime ou ses préposés (CSS, art. L. 454-1). Pareil texte limitait ainsi de nombreux recours.
Au surplus, le recours des parties civiles ne pouvait qu’être très rarement engagé sur la base des textes réglementaires d’hygiène et de sécurité dans la mesure où, le plus souvent, l’infraction est constituée par la simple inobservation de la réglementation, sans pour autant qu’il y ait un « dommage directement causé par l’infraction ».
La Cour de cassation a bousculé cette interprétation (Cass. crim., 15 oct. 1970, no 93-383.68 : Bull. crim. , no 268) en créant une distinction entre le droit de se constituer partie civile, droit qui ne doit souffrir d’aucune restriction dans la mesure où il a pour objectif de faire reconnaître la culpabilité de quelqu’un vis-à-vis des lois, et la possibilité de demander la réparation du dommage subi.
La victime peut donc déclencher la procédure par l’action civile sans pour autant obtenir réparation du dommage éventuel subi : son objectif doit être la seule condamnation pénale du responsable.

Qu’en est-il en revanche des prétentions des syndicats ouvriers, et des ayants droit de la victime, à introduire une action civile ?

 Vis-à-vis des syndicats ouvriers, cette action leur était ouverte dans la mesure où le législateur (L. 12 mars 1980) et la jurisprudence avaient considéré que l’action syndicale avait pour fondement la défense des intérêts professionnels ; or, l’infraction aux règles d’hygiène et de sécurité est une atteinte, directe et personnelle, à la profession et donc à l’intérêt collectif que représentent les syndicats (¨Cass. crim., 26 oct. 1967, no 91-098.67 : Bull. crim. , no 274).

La loi no 82-915 du 28 octobre 1982 (C. trav., art. L. 411-1) renforce cette interprétation dans la mesure où « les syndicats professionnels ont pour objet l’étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels ou moraux tant collectifs qu’individuels de leurs membres ».

 Vis-à-vis des ayants droit de la victime, la jurisprudence de la Cour de cassation affirme le principe qu’ils ne peuvent obtenir de réparation du préjudice moral qu’ils subissent, sauf si l’employeur-défendeur a commis une faute intentionnelle (¨ Cass. crim., 23 janv. 1975, no 92-615.73 : Bull. crim. , no 30).

La victime de l’infraction, peut donc, même si ce droit est limité, demander réparation de son préjudice. Mais une telle procédure peut être longue ou se heurter à certains obstacles l’empêchant d’aboutir et c’est pourquoi le législateur a prévu des dispositions spécifiques destinées à faciliter l’indemnisation de certaines victimes d’infractions. Il s’agit notamment de l’article 706-3 du code de procédure pénale qui dispose que « toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d’une infraction, peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne... ». Il est plus loin précisé que cette disposition peut jouer lorsque ces faits « ... ont entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnelle égale ou supérieure à un mois ». L’indemnité est alors allouée par une commission instituée dans le ressort de chaque tribunal de grande instance.

Dans le cas où la commission accorde une indemnité, celle-ci est versée à la victime par le fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et autres infractions. C’est cette procédure qui a pu être mise en oeuvre, avec succès, par un ancien mécanicien de la Marine nationale - atteint d’un mésothéliome pleural gauche malin - et qui estime que cette maladie était le résultat du non-respect, par son employeur (l’État), de la réglementation destinée à prévenir l’inhalation de poussières d’amiante (¨ CA Caen, 1re ch., sect. civ., 14 sept. 1999, no 470, FGVAT c/ Drouet).

La responsabilité de l’employeur à l’égard de la santé et de la sécurité des salariés relève de deux mécanismes distincts : la responsabilité pénale, d’une part, et la responsabilité civile d’autre part.

Responsabilité pénale en matière de sécurité au travail
Les principales infractions sont définies par le Code du travail et les textes pris pour son application ou par le code pénal pour ce qui concerne les infractions d’atteintes involontaires aux personnes.

Infractions définies par le code pénal
Infractions d’atteintes involontaires aux personnes :
• délits d’homicide involontaire ;
• délits de blessure volontaire ;
• contraventions de blessure involontaire.
La qualification de l’infraction, délit ou contravention, dépend à la fois de la gravité des faits à l’origine des dommages corporels, mais également des conséquences de ces faits.
Depuis 1994, le code pénal réprime plus sévèrement les atteintes à la santé et à la sécurité des personnes. Les peines prévues sont ainsi aggravées si les dommages trouvent leur origine dans un manquement délibéré aux règles de sécurité.

Nouveau délit créé par le code pénal : délit de mise en danger d’autrui. Ce délit réprime toute « violation manifestement délibérée qui expose autrui à un risque de mort ou de blessures pouvant entraîner une mutilation ou une infirmité permanente. »

Se trouve ainsi réprimée la création d’une situation dangereuse même en l’absence de tout dommage corporel.
En matière de santé et sécurité, la responsabilité du chef d’entreprise qui ont concouru aux dommages pourra être recherchée, de même que la responsabilité de l’entreprise.
Article 222-19 du code pénal

« Le fait de causer à autrui, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l’article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, une incapacité totale de travail pendant plus de trois mois est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende ».

Infractions définies par le code du travail
Ces infractions visent des faits précis ou des manquements à des obligations précisément définies.
Ces infractions peuvent être le fait du non respect d’une règle, il n’est pas toujours nécessaire qu’elles aient occasionné des dommages, par exemple des atteintes corporelles.
Exemple de manquement à une obligation édictée par le code du travail :
absence de formation à la sécurité que l’employeur doit dispenser à tout salarié.

Code pénal et code du travail
Code pénal :
plusieurs personnes, physiques ou morales peuvent être poursuivies en même temps

Code du travail :
seul l’employeur sur qui pèsent les obligations édictées par le code pourra être poursuivi.

L’employeur peut cependant déléguer ses pouvoirs à une autre personne de l’entreprise, mais en transférant son pouvoir, il transfère également sa responsabilité pénale. Le délégataire devra donc s’assurer de la bonne application du code du travail, sinon il devra répondre des manquements.

Responsabilité civile
Ce mécanisme de réparation permet l’indemnisation de la victime d’un dommage.
En matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles, c’est un régime spécifique, dérogatoire du droit commun, qui préside à l’indemnisation des victimes.
Ce régime créé en 1898, pose le principe d’une responsabilité pour risque, et non pour faute, assorti toutefois d’une possibilité d’indemnisation complémentaire en cas de faute inexcusable de l’employeur.

Indemnisation en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle
Tout salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle bénéficie automatiquement d’une indemnisation forfaitaire qui lui est directement versée par sa caisse primaire d’assurance maladie ( cotisations AT/MP acquittées par l’employeur).
Cette indemnisation est versée sans qu’une faute ne soit recherchée, qu’elle soit imputable à l’employeur ou au salarié et responsable du dommage.

Indemnisation complémentaire en cas de faute inexcusable de l’employeur
Le code de la sécurité sociale prévoit une possibilité d’indemnisation complémentaire du salarié, dans le cas où il existe une faute inexcusable de l’employeur.

La faute inexcusable est caractérisée par les critères retenus par la chambre sociale de la Cour de cassation à l’occasion d’une série d’arrêts rendus le 28 février 2002.Constitue une faute : tout manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité de résultat à laquelle il est tenu envers le salarié, en vertu du contrat de travail qui les unit.

Au sens de l’article L. 452-1 du code de la Sécurité sociale : ce manquement a le caractère d’une faute inexcusable « lorsque l’employeur avait ou aurait du avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ».
La faute inexcusable ne s’assimile pas à la faute pénale.
Ainsi un employeur peut être relaxé par les juridictions pénales en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle. Cela n’empêchera pas les tribunaux du contentieux de la Sécurité sociale de rechercher les éléments constitutifs d’une faute inexcusable.
En cas de faute inexcusable de l’employeur, dans le cas d’accident du travail, la victime pourra obtenir une majoration de sa rente d’Incapacité permanente partielle (IPP) et une réparation complémentaire du préjudice subi. La preuve de la faute inexcusable échoit à la victime ou ses ayant droits.
La caisse primaire d’assurance maladie récupère auprès de l’employeur la majoration de la rente d’IPP.
La Sécurité sociale a édité une charte concernant la gestion des dossiers de la faute inexcusable de l’employeur pour les AT et MP (http://www.risquesprofessionnels.ameli.fr)

Responsabilité de l’employeur : jurisprudence
Homicide involontaire : responsabilité pénale d’une personne morale
Dans un arrêt du 3 janvier 2006, la Cour de cassation a confirmé la condamnation d’une société à 15000 euros d’amende pour homicide involontaire.
Cette responsabilité découle du fait que le président de la société ou son délégataire n’a pas accompli toutes les diligences normales pour faire respecter les prescriptions qui s’imposaient à la personne morale dans le domaine de la maintenance des éléments de l’appareil de levage susceptibles de se détériorer par leur usage et de créer une situation dangereuse.
Ainsi la Cour considère que la cour d’appel a caractérisé une faute d’imprudence ou de négligence engageant la responsabilité de la personne morale.
Cour de cassation, Chambre criminelle, 3 janvier 2006, n° 05-81876.

Accident du travail mortel et responsabilité pénale des personnes morales employeurs
Depuis la loi Perben II du 9 mars 2004 :
dans les cas d’accidents du travail avec décès de la victime ou bien incapacité totale du travail consécutive ( homicide ou blessures involontaires), la responsabilité pénale des personnes morales employeurs peut être mise en cause par l’application conjuguée des articles 221-6 et suivants du code pénal et du code du travail, notamment de l’article L. 4741 (ancien article L. 263-2) qui impose l’obligation particulière d’hygiène et de sécurité.
Article L. 4741-1 du code du travail :
« Est puni d’une amende de 3 750 €, le fait pour l’employeur ou le préposé de méconnaître par sa faute personnelle les dispositions suivantes et celles des décrets en Conseil d’Etat pris pour leur application :
1° Titres premier, III et IV ainsi que chapitre III et section 2 du chapitre IV et chapitre III du titre V du livre premier ;
2° Titre II du livre II ;
3° Livre III ;
4° Livre IV ;
5° Titre premier, chapitres III et IV du titre III et titre IV du livre V ;
6° Chapitre II du titre II du présent livre.
La récidive est punie d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 9 000 €.
L’amende est appliquée autant de fois qu’il y a de salariés de l’entreprise concernés par la ou les infractions relevées dans le procès-verbal prévu à l’Article L. 8113-7. »
Aujourd’hui les poursuites pénales se concentrent sur la personne morale employeur de la victime indépendamment de la responsabilité pénale des personnes physiques impliquées.

La simple méconnaissance d’un texte porteur d’une prescription inobservée suffit pour caractériser la responsabilité de la personne morale ( Cass. Crim n° 00-80.378 du 24 octobre 2000).
Tandis que la mise en cause de la personne physique ne pourra intervenir que si une faute personnelle est suffisamment établie à son encontre pour justifier une condamnation pénale : une infraction intentionnelle, une faute de mise en danger délibéré, une faute caractérisée.

Pourquoi et comment se porter partie civile ?

Une association, un syndicat, un chsct, un comité d’entreprise peuvent se constituer partie civile.

Juridiquement, se constituer partie civile signifie saisir la juridiction pénale d’une demande d’une réparation d’un dommage causé par une infraction.

Concrètement, grâce à la constitution de partie civile, toute victime d’une infraction se voit reconnaître le droit à ce que sa pliante soit instruite par un juge d’instruction.

Une plainte simple auprès de la gendarmerie / police ou auprès du procureur est une dénonciation d’infraction.

Seul le procureur peut décider, en fonction de la vraisemblance des faits dénoncés et de la gravité de l’atteinte à l’ordre public, si la Justice doit être saisie ou non (classement ou poursuite).

Une plainte ne donne donc pas nécessairement pas lieu à une instruction ni à un procès.
En revanche, la plainte avec constitution de partie civile rend obligatoire l’examen de la plainte par un juge d’instruction.

Comment faire ?
Il faut adresser sous forme de lettre datée, signée et non anonyme adresser la plainte directement au doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance (le TGI) du lieu de l’infraction en faisant état des faits et agissements dénoncés et des préjudices subis.

Le plaignant n’a pas à qualifier juridiquement l’infraction ; cette tâche incombe au procureur ou juge d’instruction. Il faut relater les faits très précisément, les dater et signaler les autres victimes et les témoins en joignant toutes les pièces utiles.

Un avocat peut être utile dés ce début de procédure.

Pour se qui concerne la plainte avec constitution de partie civile, le juge d’instruction demande une « consignation », somme d’argent fixée par le juge, dont le montant se situe entre 1000 et 3000 euros, en tenant compte des ressources du plaignant. (en cas d’aide juridictionnelle, la somme pourra être modique voire nulle).

Sachez que vous pourrez obtenir le n° de plainte déposée à la police, de demander le n° de transmission de cette plainte à la police, d’écrire ou téléphoner au procureur pour connaître les suites et de réclamer les motifs de classement.

La victime dispose d’une année en cas de contravention, de trois ans en cas de délit, de dix ans en cas de crime.

La constitution de partie civile peut intervenir :
  pour initier la plainte
  - comme voie de recours après que la plainte ait été classée, pour obtenir l’ouverture d’une instruction
  Comme intervenant après l’engagement des poursuites par le procureur, lors du procès, pour obtenir réparation et versement des dommages et intérêts.
La constitution de partie civile peut intervenir au plus tard le jour du procès.

S’il y a classement de la simple plainte…
1) La décision de classement peut être contestée auprès du procureur général de la cour d’appel par courrier motivé et accompagné d’une copie de l’avis de classement.
2) La procédure pénale peut être poursuivie
  en saisissant la tribunal par une citation directe (voir avec l’avocat)
  en s’adressant au doyen des juges d’instruction pour se constituer partie civile (voir plus haut)(voir article 177.2 du code de procédure pénale pour recours abusifs ou dilatoire)
3) vous pouvez engager une procédure civile auprès du tribunal civil en vue d’obtenir des dommages et intérêts.

L’intérêt de se constituer partie civile

La victime n’est plus témoin mais plaignante ; elle est alors partie prenante, est informée du déroulement de la procédure et obtient communication des pièces. ; Elle peut demander des auditions de témoins, c la visite des lieux, elle peut faire appel des décisions du juge d’instruction. Elle peut enfin réclamer réparation et versement des dommages et intérêts.

Il est fondamental de traduire en terme financier les conséquences d’actes délictueux.

Cependant la constitution de partie civile n’assure pas automatiquement l’ouverture du procès. Le JI peut décider le non lieu ; la victime pourra faire appel de ce non lieu.

Syndicat, association, un comité hygiène sécurité conditions de travail, un comité d’entreprise peuvent appuyer le dossier de la victime pour attirer sur la gravité de l’affaire, demander le réexamen de l’affaire, en précisant les faiblesses de l’enquête de la police, et demander les raisons du classement.

Pour les associations, il leur fait une existence de 5 ans pour pouvoir agir au tribunal dans le domaine de son intervention (lutte contre le racisme, contre les violences faites aux femmes au travail…)

Annexe 1
Modèle de plainte à adresser au procureur de la République
Monsieur le procureur de la République près le tribunal de grande instance de ... le ...
Nom ... Prénom ... Adresse ...
Monsieur le procureur de la République,
J’ai l’honneur de vous exposer que : ... (1)
Je vous prie de croire ...
(1) Décrivez ici les faits constituant l’infraction dont vous avez été la victime et le dommage subi. Exposez également l’objet d’une éventuelle demande d’indemnité.

Annexe 2
Modèle de citation directe
Le ... mil neuf cent ...
A la requête de ... né (e) le ... à ... de nationalité ... demeurant ... ayant pour avocat maître ..., avocat au barreau de ..., demeurant ...
Au cabinet duquel il (elle) élit domicile.
J’ai huissier susdit et soussigné cité ... (nom et adresse de l’auteur de l’infraction) à comparaître le ... à ... heures devant le tribunal de police (correctionnel) de ... siégeant à ... pour ... (ici, exposé des motifs : relation des faits constituant l’infraction, description et chiffrage du préjudice subi directement par vous en raison de cette infraction.)
Par ces motifs ...
Dire et juger que les faits commis par M. ... à l’encontre de M. ... constituent la contravention (le délit) de ... statuer ce qu’il appartiendra sur les réquisitions de M. le procureur de la République.
Sur les intérêts civils, condamner M. ... à verser à M. ... la somme de ... francs en réparation du préjudice subi par ce dernier (e), condamner M. ... en tous les dépens (frais de justice) de l’instance.
Sous toutes réserves.


Article publié le dimanche 9 mai 2010