Accueil > Actualités et luttes > MOBILISATIONS & GREVES > Agent.es de l’inspection du travail, nous appelons au retrait de la loi « (...)

Agent.es de l’inspection du travail, nous appelons au retrait de la loi « Immigration » et à la régularisation des sans papiers

Nous agent.es de l’inspection du travail, constatons au quotidien que le travail des salarié.es migrant.es, avec ou sans papiers, est essentiel au fonctionnement de l’économie. Sans ces travailleur.es, le BTP, la restauration, les exploitations agricoles, les services d’aide à la personne, mais aussi la santé publique, seraient dans l’incapacité de fournir les biens et services nécessaire à la vie de la population. Nous constatons aussi que ces salarié.es sont surexposé.es aux risques professionnels et aux accidents du travail graves et mortels, et ont les plus grandes difficultés à faire valoir leurs droits quand bien même elles et ils ont cotisé à la Sécurité Sociale et payé des impôts. Nous constatons enfin ces dernières années une augmentation dramatique des situations de traite des êtres humains et de conditions de travail et d’hébergement indignes touchant des travailleurs migrant.es.

Face à cette situation, l’heure devrait être à la régularisation générale des travailleuses et travailleurs sans-papiers, au renouvellement automatique des titres de séjour pour les salarié.es non européens. C’est l’absence de papiers, ou la crainte de les perdre, et la peur de l’expulsion qui poussent à l’acceptation de conditions de travail dangereuses, de rémunérations non déclarées et inférieures aux minima légaux et conventionnels, voire à des situations relevant de l’esclavage moderne.
La loi « Immigration », adoptée avec les voix de l’extrême droite, va à rebours complet de ces nécessités. L’arbitraire préfectoral en matière de régularisation par le travail serait gravé dans les textes alors qu’il est déjà impossible dans certains départements d’obtenir un rendez-vous en préfecture pour présenter son dossier sans saisir la justice. Ces régularisations seraient par ailleurs limitées aux métiers dits « en tension ».

De nouveaux motifs de refus de délivrance ou de retrait des titres de séjour temporaires seraient en outre créés, y compris en matière de regroupement familial. Alors qu’un récent rapport de la Cour des comptes consacré à l’immigration irrégulière appelle à développer la coordination interministérielle pour augmenter le nombre de reconduites effectives à la frontière, les obligations de quitter le territoire pourraient être prise plus largement, y compris contre des personnes auparavant « protégées » (personne arrivée en France avant ses 13 ans, conjoint de Français…). Enfin, le délit de séjour irrégulier, supprimé en 2012, serait rétabli et exposerait les personnes sans-papiers à une garde à vue suivie d’une amende de 3 750 euros du seul fait de leur présence en France.

Outre ce durcissement inique des conditions de régularisation et de délivrance des titres de séjour, le texte comporte des mesures de « préférence nationale » qui n’existaient jusqu’à alors que dans les programmes électoraux de l’extrême droite, et remet en cause le droit du sol. Il est clair que nous ne collaborerons pas à la mise en œuvre de ces mesures ouvertement racistes dont, d’ailleurs, plusieurs ont de fortes chances d’être censurées par le Conseil Constitutionnel.

Cette criminalisation des travailleuses et travailleurs sans-papiers accompagnée du durcissement de l’accès aux titres de séjour et d’une limitation du droit à vivre en famille aboutiraient à placer un plus grand nombre de travailleuses et de travailleurs en situation de précarité, de vulnérabilité et d’impossibilité de faire valoir leurs droits, au seul bénéfice des employeur.es qui les exploitent directement ou indirectement. C’est le cas entre autre des exploiteurs en col blanc qui sont trop peu inquiétés par manque de politique pénale appropriée à tous les niveaux et par manque de moyens de contrôle.

On ne protège jamais les salarié.es en s’en prenant à certains d’entre elles et eux. Le gouvernement, Darmanin en tête, est parfaitement conscient de ces enjeux, dont il se sert également pour faire baisser les salaires et les garanties sociales de la totalité de la population. Surfant sur la « vague populiste » et en s’en prenant à la frange la plus vulnérable de la population, c’est bien les droits sociaux de l’ensemble des travailleur.euses qui sont visés.

En tout état de cause, nous refuserons toujours toute forme d’instrumentalisation de l’inspection du travail par la préfecture ou par les procureurs de la république pour réprimer les travailleuses et travailleurs sans-papiers. Dans le cadre de l’application de la Conventions internationale n° 81 concernant l’inspection du travail, qui s’impose à la France, l’OIT prévoit d’ailleurs que « les travailleur.es étranger.e.s en situation irrégulière bénéficient de la même protection de l’inspection du travail que les autres travailleur.es » et que les pouvoirs de l’inspection du travail d’entrer dans les établissements assujettis à leur contrôle ne doivent pas être détournés à l’effet de l’exécution d’opérations conjointes de lutte contre l’immigration illégale. Nous le rappellerons autant que nécessaire à notre nouvelle ministre.

Pour ces raisons, nous, agent.es de l’inspection du travail, demandons le retrait de la loi « Immigration » et la régularisation des travailleur.es sans papiers sur simple preuve de la relation de travail.


Article publié le vendredi 2 février 2024