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communiqué de presse

ArcelorMittal Fos-sur-Mer : Le tribunal administratif juge que les profits valent plus que la santé et la vie des salarié.es exposé.es aux cancérigènes

Le 6 juillet 2023, le Tribunal administratif de Marseille a suspendu la décision d’arrêt d’activité de l’usine Arcelomittal de Fos-sur-Mer prise par l’inspection du travail le 19 juin. Cette décision d’arrêt avait été prise par l’inspection du travail après avoir constaté que les salarié·es étaient gravement exposés à des risques cancérigènes, et que les mesures prises par la multinationale étaient notoirement insuffisantes pour protéger ces salariés.

Le 6 juillet 2023, le Tribunal administratif de Marseille a suspendu la décision d’arrêt d’activité de l’usine Arcelomittal de Fos-sur-Mer prise par l’inspection du travail le 19 juin. Cette décision d’arrêt avait été prise par l’inspection du travail après avoir constaté que les salarié·es étaient gravement exposés à des risques cancérigènes, et que les mesures prises par la multinationale étaient notoirement insuffisantes pour protéger ces salariés.
Rappel des faits : à l’issue de plusieurs contrôles, l’inspectrice du travail constate que plusieurs centaines de salarié·es d’une partie de l’usine de Fos-sur-Mer sont exposés à des poussières de silice cristalline, au benzo(a)pyrène, aux fibres céramiques réfractaires et au formaldéhyde, des substances hautement cancérigènes. Elle décide d’activer la procédure d’arrêt temporaire d’activité. Elle en informe l’entreprise, qui a 15 jours pour lui présenter un plan d’action. Jugeant que les mesures présentées par l’entreprise dans deux plans successifs sont insuffisantes pour faire cesser le risque, elle prononce l’arrêt d’activité le 19 juin. Dès lors, dans le cadre de cette procédure, l’activité ne peut reprendre que lorsque l’entreprise a pris les mesures suffisantes pour faire cesser le risque.

Mais Arcelormittal attaque au tribunal administratif la décision de l’inspection du travail en référé sur le fondement de… la liberté d’entreprendre !
Pour Arcelormittal et le tribunal administratif, la liberté d’entreprise ne souffre aucune limite

Un argument scandaleux au regard des risques auxquels sont exposés les salarié·es. Arcelomittal estime, sans aucun document ni justificatif à l’appui, que l’arrêt de son usine « entraînera des coûts journaliers de 1,3 M€ et un manque à gagner journalier de 2,2 M€ », qu’il « porte atteinte à la liberté fondamentale du commerce et de l’industrie » et qu’il est « disproportionné » au regard des mesures qu’il a mises en oeuvre…

Le tribunal administratif de Marseille donne raison à l’entreprise, alors même qu’il reconnait dans son jugement que les salarié·es sont exposé·es aux poussières et substances cancérigènes tant dans les zones de production que dans les salles de repos et les vestiaires, l’ensemble de l’entreprise étant contaminée, que le système de captation est défaillant, qu’il n’existe pas de ventilation appropriée, etc. Le tribunal considère que les quelques mesures envisagées par l’entreprise, qui mettront, pour certaines, des mois à être mises en oeuvre alors qu’elles auraient déjà dû l’être depuis des années, suffisent à autoriser la poursuite de l’activité.

À partir de combien de millions d’euros de chiffre d’affaire peut-on considérer que la santé et la vie de salarié·es ne méritent pas d’être protégées ?

Alors même que les cancers professionnels représentent une « épidémie silencieuse »1, que les maladies professionnelles sont en hausse et pourtant sous-déclarées, que la catégorie ouvrière est la plus touchée par des expositions professionnelles aux cancérigènes2, il est alarmant de constater que malgré des preuves accablantes d’une exposition grave et incontestée de centaines de salariés, Arcelormittal cherche à minimiser et à temporiser face à cette réalité. Mais encore plus consternant, le tribunal administratif prend parti en faveur de l’entreprise, allant jusqu’à se prononcer sur le fond du dossier dans le cadre d’une procédure de référé. Il estime que la décision de suspendre les activités n’est plus, au jour de la décision, "ni adaptée, ni proportionnée" en se basant sur un prétendu ensemble de mesures mises en place par la direction (sans qu’elle n’ait besoin d’apporter des preuves tangibles), allant jusqu’à considérer cette décision comme une "violation grave de la liberté d’entreprendre et de la liberté du commerce et de l’industrie".

Cette décision est donc à nos yeux à la fois intolérable et injustifiable.

Nous demandons au ministre du travail de faire appel devant le Conseil d’État de cette décision incompréhensible au regard de la protection de la santé des salarié·es.

ALLO, LA DIRECTION GENERALE DU TRAVAIL ? Dans sa décision, le tribunal relève également un argument de procédure. Le tribunal estime que l’inspectrice du travail aurait dû, selon les termes de la procédure prévue aux articles L.4721-8 et suivants du code du travail, d’abord mettre en demeure l’entreprise de prendre des mesures avant d’ordonner l’arrêt d’activité. Que prévoit cette procédure ? Lorsqu’est constatée une situation d’exposition dangereuse à un CMR3, l’inspection du travail demande à l’entreprise de lui présenter un plan d’action dans un délai de 15 jours, puis met en demeure l’entreprise de réaliser ce plan d’action. A l’issue du délai fixé dans la mise en demeure, si la situation dangereuse persiste, l’inspection du travail peut prononcer l’arrêt d’activité. Mais que se passe-t-il si le plan d’action ou les mesures envisagées par l’entreprise sont insuffisantes ou indigentes ? Une entreprise prévoyant de doter ses salariés de masques FFP3 « grand public » pour se protéger d’une substance cancérigène inhalable serait-il recevable ? Pour la Direction générale du travail (DGT), la réponse est non : « l’insuffisance manifeste d’un plan d’action équivaut à l’absence de plan d’action ». Pourtant, lors de l’audience au tribunal administratif de Marseille, le 06 juillet, la DGT n’a pas jugé opportun de venir défendre la décision de l’inspectrice du travail ni apporter un soutien juridique dans une procédure d’envergure nationale, ce qui constitue, selon nous, un grave manquement à l’appui aux agent·es de contrôle de l’inspection du travail. Nous demandons au ministère du travail de donner aux agent.es de contrôle des outils efficaces pour protéger les salarié.es exposé.es aux CMR, la suspension des travaux en cas d’insuffisance de moyens de protection devant relever d’une procédure efficace, à l’instar des arrêts de travaux pour risque de chute de hauteur.

1 15 000 à 30 000 nouveaux cas de cancers professionnels sont estimés en France chaque année selon le plan Cancer, mais moins de 2 000 sont reconnus comme maladie professionnelle
2 10% des salarié·es sont exposés à des cancérigènes, et plus particulièrement 35% des ouvriers
3 Produits cancérigènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction

Paris, le 11 juillet 2023


Article publié le mardi 11 juillet 2023