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Coopération contre évaluation


Christophe DEJOURS au CHSM (CHS Ministériel)

Christophe DEJOURS, directeur de recherche au CNAM (conservatoire national des arts et métiers) est LE spécialiste de la psychopathologie et de la psychodynamique du travail.

A la demande des organisations syndicales, il a été invité par le DAGEMO devant le CHSM (CHS Ministériel) du 28 mars 2007 pour parler de la souffrance au travail.

Avec cette intervention, l’administration qui ne jure que par l’évaluation, les objectifs, l’animation, s’est pris quelques claques.

Christophe DEJOURS explique en effet que l’évaluation individualisée des performances est une des causes majeures de l’augmentation des pathologies du travail.

Dans un premier temps, l’évaluation individuelle augmente effectivement la productivité mais en « consumant peu à peu le collectif de travail, en détruisant les liens qui ont pu mettre des années ou des dizaines d’années à se construire ». Et quand il ne reste plus de liens ni de solidarités, l’évaluation commence à se retourner contre les directions et devient finalement contre productive.

La coopération au travail est la clé de l’efficacité du travail réel (pas ce qui est prescrit ou affiché) dans un collectif de travail : les collègues établissent des accords entre eux, réinventent des normes au-delà des règles. Dans un système de coopération, le « meilleur » ne doit pas tout donner pour lui-même, il en garde pour le collectif et chacun est tiré vers le haut. La coopération comporte un risque pour les salariés car chacun donne au collectif une part de lui-même qu’il est difficile d’évaluer. La reconnaissance est collective, affective, et la hiérarchie ne sait pas tout. Seulement ça marche.

Cette part de chacun apportée au collectif accroît considérablement l’efficacité collective.

Mais la coopération peut niveler les performances individuelles au sein d’un collectif, et les temps d’entraide informelle n’apparaissent pas dans les résultats. C’est pour ça que la coopération résiste mal à l’évaluation individualisée des résultats : chacun est poussé dans une logique individuelle puisque l’évaluation devient l’outil de la reconnaissance de chacun et que seule la reconnaissance permet de transformer la souffrance du travail en accomplissement.

Alors c’est systématique, avec l’évaluation individualisée des résultats, concurrence et mensonge ont raison de toutes les solidarités au travail et quand les « managers » ont accompli leur sale besogne, tout le monde se déteste et …plus rien ne marche.

Christophe DEJOURS décrit que dans ce processus, les chefs, qui deviennent légion, mettent sans arrêt en avant le travail collectif.
Mais ce n’est pas le même travail collectif : on passe de la coopération des collègues à la coordination des chefs qui se multiplient et ne voient que par « l’animation ».

Pour DEJOURS, l’animation, ça ne veut rien dire et ça ne marche pas : c’est seulement de l’agitation car de toutes façons le vrai travail collectif est brisé.

C’est là que nous avons appris de l’administration que la notation allait prendre fin dans notre ministère puisque nos services devraient lancer une expérimentation sur « autre chose » (???) Suspense…

Que les chefs s’animent entre eux, ils sont assez nombreux pour jouer ensemble !!!


Article publié le mercredi 27 juin 2007